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Langues anciennes et français

3 décembre 2014

exposé

Voici un exposé réalisé par deux élèves de latin sur les 5 premiers empereurs romains (ou la dynastie julio-claudienne).

5_empereurs

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27 novembre 2014

Zola, La Débâcle

Au coin de la rue des Dix-Potiers, Maurice, pris d'un éblouissement, chancela. Et, comme Jean s'empressait :

- Non, laisse-moi, c'est la fin... J'aime mieux crever ici.

Il s'était laissé tomber sur une borne. Le caporal affecta la rudesse d'un chef mécontent.

- Nom de Dieu ! Qui est-ce qui m'a foutu un soldat pareil ? …

Est-ce que tu veux te faire ramasser par les Prussiens ? Allons, debout !

Puis, voyant que le jeune homme ne répondait plus, livide, les yeux fermés, à demi évanoui, il jura encore, mais sur un ton d'infinie pitié.

- Nom de Dieu ! Nom de Dieu !

Et, courant à une fontaine voisine, il emplit sa gamelle d'eau, il revint lui en baigner le visage. Ensuite, sans se cacher cette fois, ayant tiré de son sac le dernier biscuit, si précieusement gardé, il se mit à le briser en petits morceaux, qu'il lui introduisait entre les dents. L'affamé ouvrit les yeux, dévora.

- Mais toi, demanda-t-il tout à coup, se souvenant, tu ne l'as donc pas mangé ?

- Oh ! Moi, dit Jean, j'ai la peau plus dure, je puis attendre... Un bon coup de sirop de grenouille, et me voilà d'aplomb !

Il était allé remplir de nouveau sa gamelle, il la vida d'un trait, en faisant claquer sa langue. Et il avait, lui aussi, le visage d'une pâleur terreuse, si dévoré de faim, que ses mains en tremblaient.

- En route ! Mon petit, faut rejoindre les camarades.

Maurice s'abandonna à son bras, se laissa emporter comme un enfant. Jamais bras de femme ne lui avait tenu aussi chaud au cœur. Dans l'écroulement de tout, au milieu de cette misère extrême, avec la mort en face, cela était pour lui d'un réconfort délicieux, de sentir un être l'aimer et le soigner ; et peut-être l'idée que ce cœur tout à lui était celui d'un simple, d'un paysan resté près de la terre, dont il avait eu d'abord la répugnance, ajoutait-elle maintenant à sa gratitude une douceur infinie. N'était-ce point la fraternité des premiers jours du monde, l'amitié avant toute culture et toute classe, cette amitié de deux hommes unis et confondus, dans leur commun besoin d'assistance, devant la menace de la nature ennemie ? Il entendait battre son humanité dans la poitrine de Jean, et il était fier pour lui-même de le sentir plus fort, le secourant, le dévouant ; tandis que Jean, sans analyser sa sensation, goûtait une joie à protéger chez son ami cette grâce, cette intelligence, restées en lui rudimentaires. Depuis la mort violente de sa femme, emportée dans un affreux drame, il se croyait sans cœur, il avait juré de ne plus jamais en voir, de ces créatures dont on souffre tant, même quand elles ne sont pas mauvaises. Et l'amitié leur devenait à tous deux comme un élargissement : on avait beau ne pas s'embrasser, on se touchait à fond, on était l'un dans l'autre, si différent que l'on fût, sur cette terrible route de Remilly, l'un soutenant l'autre, ne faisant plus qu'un être de pitié et de souffrance.

 

Émile Zola, La Débâcle, chapitre VI

27 novembre 2014

La Fontaine, « Les deux Amis »

               Deux vrais amis vivaient au Monomotapa[1]  
               L’un ne possédait rien qui n’appartînt à l’autre.
                             Les amis de ce pays-là
                             Valent bien, dit-on, ceux du nôtre.
5             Une nuit que chacun s’occupait au sommeil,
               Et mettait à profit l’absence du soleil,
               Un de nos deux amis sort du lit en alarme ;
               Il court chez son intime, éveille les valets
               Morphée[2] avait touché le seuil de ce palais.
10           L’ami couché s’étonne, il prend sa bourse, il s’arme ;
               Vient trouver l’autre, et dit : « Il vous arrive peu
               De courir quand on dort ; vous me paraissez homme
               A mieux user du temps destiné pour le somme.
               N’auriez-vous point perdu tout votre argent au jeu,
15           En voici. S’il vous est venu quelque querelle,
               J’ai mon épée, allons. Vous ennuyez-vous point
               De coucher toujours seul ? Une esclave assez belle
               Etait à mes côtés : voulez-vous qu’on l’appelle ?
               - Non ; dit l’ami, ce n’est ni l’un ni l’autre point
20                         Je vous rends grâce de ce zèle[3].
               Vous m’êtes en dormant un peu triste apparu ;
               J’ai craint qu’il ne fût vrai, je suis vite accouru.
               Ce maudit songe en est la cause. »
               Qui d’eux aimait le mieux ? que t’en semble, lecteur ?
25           Cette difficulté vaut bien qu’on la propose.
               Qu’un ami véritable est une douce chose !
               II cherche vos besoins au fond de votre cœur ;
                             II vous épargne la pudeur
                             De les lui découvrir vous-même.
30                         Un songe, un rien, tout lui fait peur
                             Quand il s’agit de ce qu’il aime.

 

La Fontaine, « Les deux amis », Fables, VIII, 11 (1678).



[1] Monomotapa : pays d’Afrique australe, conquis par les Portugais au XVIe siècle, mais mal connu. Il représente ici un pays imaginaire.

[2] Morphée : dieu de la mythologie qui endort les humains en les touchant.

[3] Zèle : ardeur, dévouement à servir une personne.

27 novembre 2014

Montaigne, « De l'amitié »

 

              Au demeurant, ce que nous appelons ordinairement amis et amitiés, ce ne sont qu’accointances[1] et familiarités nouées par quelque occasion ou commodité[2], par le moyen de laquelle nos âmes s’entretiennent[3] . En l’amitié de quoi je parle, elles se mêlent et confondent l’une en l’autre d’un mélange si universel qu’elles effacent et ne retrouvent plus la couture qui les a jointes. Si on me presse de dire pourquoi je l’aimais, je sens que cela ne se peut exprimer qu’en répondant : « Parce que c’était lui ; parce que c’était moi. »

              Il y a, au-delà de tout mon discours et de ce que j’en puis dire particulièrement, ne sais quelle force inexplicable et fatale, médiatrice de cette union.Nous nous cherchions avant que de nous être vus, et par des rapports que nous oyions[4] l’un de l’autre, qui faisaient en notre affection plus d’effort que ne porte la raison des rapports, je crois par quelque ordonnance du ciel : nous nous embrassions par nos noms. Et à notre première rencontre, qui fut par hasard en une grande fête et réunion de ville, nous nous trouvâmes si pris, si connus, si liés entre nous, que rien dès lors ne nous fut si proche que l’un à l’autre. Il écrivit une satire[5] latine excellente, qui est publiée, par laquelle il excuse et explique la précipitation de notre intelligence[6], si promptement parvenue à sa perfection. Ayant si peu à durer, et ayant si tard commencé, car nous étions tous deux hommes faits, et lui plus de quelques années, elle n’avait point à perdre temps, et à se régler au patron des amitiés molles et régulières, auxquelles il faut tant de précautions de longue et préalable conversation. Celle-ci n’a point d’autre idée que d’elle-même, et ne se peut rapporter qu’à soi ;ce n’est pas une spéciale considération[7], ni deux, ni trois, ni quatre, ni mille : c’est je ne sais quelle quintessence de tout ce mélange,qui, ayant saisi toute ma volonté, l’amena se plonger et se perdre dans la sienne ; qui, ayant saisi toute sa volonté, l’amena se plonger et se perdre en la mienne, d’une faim, d’une concurrence[8] pareille.Je dis perdre, à la vérité, ne nous réservant rien qui nous fût propre, ni qui fût ou sien ou mien.

 

Michel de Montaigne, « De l’amitié », Essais, I, ch. XXVIII, 1580 (orthographe modernisée)



[1] relations

[2] avantage, profit

[3] se maintiennent ensemble

[4] entendions

[5] pièce en vers dans laquelle La Boétie célèbre son amitié avec Montaigne.

[6] entente

[7] estime

[8] identité de désirs, convergence d’humeurs

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